• Ces jours-ci, les matinées sont brumeuses avant que le soleil n'apparaisse ("après dissipation des brumes matinales", comme on dit à la météo). Quand j'habitais sur les coteaux, ça ressemblait à ça :

    Je voyais le soleil se lever, puis le brouillard montait, en milieu de matinée, avant de se dissoudre, c'était un spectacle dont je ne me lassais pas.

    Maintenant, j'habite dans la plaine, c'est un peu pareil et différent à la fois, je ne sais même pas si j'ai eu l'occasion de faire des photos. L'autre jour, en allant vers Toulouse au milieu de ce merveilleux paysage, avec ces nuages légers flottant paisiblement au-dessus des champs, je me remémorais un des plus beaux souvenirs de mon enfance.

    J'avais entre huit et dix ans, et ma meilleure amie Isabelle m'avait invitée à passer le week-end chez sa grand-mère, en Normandie. C'est là que j'ai apprécié le beurre pour la première fois de ma vie. Jusque là, je trouvais le beurre répugnant, gras, gluant, que sais-je ? Mais ce jour-là, mon amie a insisté pour que je goûte une tartine de pain grillé bien chaude sur laquelle le beurre avait fondu... Un régal ! Depuis, j'ai appris à aimer aussi le beurre non fondu sur du pain non grillé.

    Je suppose que cela se passait en automne, ou peut-être au tout début du printemps. Avant de revenir déguster des tartines grillées dans la cuisine accueillante, nous étions sorties par la fenêtre au lever du soleil, alors que les adultes dormaient encore. Nous étions allées nous promener dans les prairies humides de rosée. Et là, le miracle, la magie : un nuage flottait à quelques dizaines de centimètres au-dessus du sol. Émerveillées, nous avions joyeusement gambadé dans ce nuage.

    Bien sûr, quand nous avons raconté cela aux adultes, ils ont essayé de nous faire croire qu'il s'agissait de brouillard. Mais le brouillard, nous en avions déjà vu, c'est quand le paysage est noyé dans une sorte de coton blanc qui avale tout, un peu comme ça :

    Mais ce jour-là, ce n'était pas ça, c'était bel et bien un nuage, qui était au ras du sol, et nous avions marché dans le nuage !

    Les adultes sont bêtes, ils ne comprennent rien, il se passe des choses très spéciales, le dimanche au lever du soleil, quand ils traînent au lit, comment peuvent-ils savoir ?



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  • Ce matin, je cherchais de vieilles photos et j'en ai trouvé d'autres, c'est souvent comme ça... J'aime bien laisser l'inspiration éclore au fil du hasard.

    En août 1988, un magnifique plant de cirse laineux ornait mon jardin.

    cirse laineux Le cirse laineux est un grand chardon (famille des Asteracées, anciennement Composées) très piquant, qui apprécie les sols secs et calcaires. Sa présence en dit long sur les qualités de ce jardin qui n'a jamais ressemblé à autre chose qu'à une prairie mal entretenue, malgré nos efforts. Cela dit, sur le plan de la biodiversité, il valait bien mieux que la plupart des jardins bien propres de mes contemporains.

    Le cirse laineux doit son qualificatif à l'espèce de laine qui orne ses capitules. Vu de dessus, l'effet esthétique est indéniable.

    cirse laineux Ses fleurs ont une belle couleur rose vif et ses feuilles portent de redoutables piquants jaunes. Il paraît que les tiges et les capitules sont comestibles et délicieux, mais leur consommation demande sans doute beaucoup de patience !

    cirse laineux Ses belles fleurs, en réalité des capitules portant des dizaines de fleurettes, attirent de nombreux insectes. Ce jour-là, il y avait des bourdons, toujours trop rapides pour que je parvienne à faire de jolies photos. J'ai vu aussi, plus facile à approcher, un joli coléoptère jaune et noir.

    cirse laineux C'est le lepture tacheté (Leptura maculata ou Rutpela maculata), Coléoptère Cérambycidé (famille des longicornes ou capricornes). Ce bel insecte, à la livrée variable, vit peu de temps, moins d'un mois, pendant lequel il se nourrit du pollen de diverses fleurs. Les larves, elles, mangent du bois pourri.

    Sur mon cirse laineux, il y avait aussi ce jour-là une belle grande sauterelle verte (Tettigonia viridissima). Les sauterelles sont des Orthoptères Tettigoniidae, reconnaissables à leurs très longues antennes. Les femelles ont un long oviscapte, une sorte de poignard plus ou moins long et recourbé vers le haut, au bout de leur abdomen, qui leur sert à insérer leurs oeufs dans les végétaux ou le sol. Cette sauterelle étant dépourvue d'oviscapte, c'est donc un mâle. Pour striduler, monsieur Tettigonia frotte ses élytres (vestiges d'ailes dures, ici brunes) l'une contre l'autre.

    cirse laineux et sauterelle J'aime bien portraiturer les gros insectes. Et de face c'est marrant, ça leur donne souvent l'air de loucher. Notez le sens esthétique de cette sauterelle dont les antennes sont assorties aux piquants du chardon.

    sauterelle verte Les yeux des insectes sont composés, c'est-à-dire constitués de centaines voire de milliers de facettes qui sont autant de petits yeux simples, appelés ommatidies. Les yeux composés sphériques de cette sauterelle lui donnent un très large champ de vision. L'autre avantage de ces yeux composés est que le moindre mouvement, même minime, est facilement perçu par l'insecte, car l'image touche, en se déplaçant, des facettes différentes. L'impression que cette sauterelle louche vient de ce que mon appareil est juste en face de quelques facettes, alors visibles en noir (nous voyons le fond de ces ommatidies), les autres apparaissant vertes. Dans un oeil d'insecte, il n'y a pas de pupilles ou d'iris comme dans le nôtre.

    Sur cette photo, on voit assez bien l'appareil buccal complexe de la sauterelle et en particulier les deux paires de palpes (palpes maxillaires et palpes labiaux) qui sont des organes sensoriels du goût (les antennes sont des organes de l'odorat).

    Notez aussi les piquants sur les tibias des pattes antérieures : les sauterelles sont omnivores, elles apprécient particulièrement les autres insectes et elles peuvent même mordre l'humain qui les manipulerait sans respect. Le léger renflement en haut des tibias antérieurs correspond aux organes auditifs.

    Eh oui ! les insectes ont à peu près les mêmes sens que nous : ouïe, odorat, goût, toucher, vue... mais ceux-ci ont un fonctionnement et des emplacements sur le corps qui n'ont souvent rien à voir avec les nôtres. C'est une des choses qui me fascinent dans l'étude des insectes : la prise de conscience de l'infinie diversité des formes et des fonctions, l'imagination débordante de Mère Nature. Mais aussi l'infinie diversité des représentations du monde qui correspondent. À quoi ressemble le monde perçu avec des antennes en guise de nez, des palpes en guise de papilles gustatives, des oreilles sur les tibias, des yeux composés ? À quoi ressemble la vie pour un être qui naît au printemps et meurt en automne sans jamais connaître l'hiver ?


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