Une de mes orchidées préférée, par son incroyable diversité : on peut en regarder des dizaines, elles sont toutes différentes ! Celle-ci, non loin de mon lopin, est particulièrement belle.

En février-mars 1990, je suis allée du côté de Montpellier pour ma thèse. Un copain m'avait indiqué un coin plein d'orchidées non loin de Castries. Un chouette endroit sauvage, au pied d'un ancien aqueduc.

 Dont je découvre avec stupeur qu'il a été construit par Pierre-Paul Riquet, entre 1670 et 1676 ! Or Pierre-Paul Riquet est archi-connu par chez moi, puisqu'il est le concepteur du Canal du Midi qui traverse le Lauragais et Toulouse.

J'apprends ce soir que cet aqueduc, long de 6 822 mètres, alimentait les jardins du Château de Castries. Il conduisait les eaux de la source de Fontgrand sur une pente de 3 mètres seulement au milieu des garrigues, grâce à ses 120 arcades de 18 à 20 mètres de haut.

J'ai vu pousser un figuier sur cet aqueduc.

J'y ai aussi observé un faucon, qui nichait quelque part par là.

Un petit coup de zoom informatique, on n'arrête pas le progrès !

Un faucon crécerelle sans doute.

Bon, mais ce dont je voulais parler ces jours-ci, c'est de cette orchidée qui est sans doute la première à fleurir en France, alors que ces congénères en sont seulement à sortir leur rosette de feuilles (ici un orchis bouc dans le Lauragais en février-mars).

Il s'agit de Barlia robertiana, qui fleurit dès février, voire janvier.

C'est une grande orchidée, robuste, aux larges feuilles. Son inflorescence est assez lâche et porte peu de fleurs. Ici, mêlée à du romarin, également en fleurs.

Les fleurs de Barlia sont d'une curieuse teinte "vieux rose" et tachetées.Je n'en ai revu qu'une seule fois, depuis, du côté de Nîmes, et jamais dans le Lauragais. Elle semble apprécier les sols particulièrement secs et calcaires.

Là-bas, j'avais aussi vu des tas d'autres orchidées, dont la splendide Limodore, mais ceci est une autre histoire...

Juste pour le plaisir : une tête de cardère sèche, comme on les voit en hiver.

Quelle grâce, n'est-ce pas ?

Ce matin, je cherchais de vieilles photos et j'en ai trouvé d'autres, c'est souvent comme ça... J'aime bien laisser l'inspiration éclore au fil du hasard.

En août 1988, un magnifique plant de cirse laineux ornait mon jardin.

Le cirse laineux est un grand chardon (famille des Asteracées, anciennement Composées) très piquant, qui apprécie les sols secs et calcaires. Sa présence en dit long sur les qualités de ce jardin qui n'a jamais ressemblé à autre chose qu'à une prairie mal entretenue, malgré nos efforts. Cela dit, sur le plan de la biodiversité, il valait bien mieux que la plupart des jardins bien propres de mes contemporains.

Le cirse laineux doit son qualificatif à l'espèce de laine qui orne ses capitules. Vu de dessus, l'effet esthétique est indéniable.

Ses fleurs ont une belle couleur rose vif et ses feuilles portent de redoutables piquants jaunes. Il paraît que les tiges et les capitules sont comestibles et délicieux, mais leur consommation demande sans doute beaucoup de patience !

Ses belles fleurs, en réalité des capitules portant des dizaines de fleurettes, attirent de nombreux insectes. Ce jour-là, il y avait des bourdons, toujours trop rapides pour que je parvienne à faire de jolies photos. J'ai vu aussi, plus facile à approcher, un joli coléoptère jaune et noir.

C'est le lepture tacheté (Leptura maculata ou Rutpela maculata), Coléoptère Cérambycidé (famille des longicornes ou capricornes). Ce bel insecte, à la livrée variable, vit peu de temps, moins d'un mois, pendant lequel il se nourrit du pollen de diverses fleurs. Les larves, elles, mangent du bois pourri.

Sur mon cirse laineux, il y avait aussi ce jour-là une belle grande sauterelle verte (Tettigonia viridissima). Les sauterelles sont des Orthoptères Tettigoniidae, reconnaissables à leurs très longues antennes. Les femelles ont un long oviscapte, une sorte de poignard plus ou moins long et recourbé vers le haut, au bout de leur abdomen, qui leur sert à insérer leurs oeufs dans les végétaux ou le sol. Cette sauterelle étant dépourvue d'oviscapte, c'est donc un mâle. Pour striduler, monsieur Tettigonia frotte ses élytres (vestiges d'ailes dures, ici brunes) l'une contre l'autre.

J'aime bien portraiturer les gros insectes. Et de face c'est marrant, ça leur donne souvent l'air de loucher. Notez le sens esthétique de cette sauterelle dont les antennes sont assorties aux piquants du chardon.

Les yeux des insectes sont composés, c'est-à-dire constitués de centaines voire de milliers de facettes qui sont autant de petits yeux simples, appelés ommatidies. Les yeux composés sphériques de cette sauterelle lui donnent un très large champ de vision. L'autre avantage de ces yeux composés est que le moindre mouvement, même minime, est facilement perçu par l'insecte, car l'image touche, en se déplaçant, des facettes différentes. L'impression que cette sauterelle louche vient de ce que mon appareil est juste en face de quelques facettes, alors visibles en noir (nous voyons le fond de ces ommatidies), les autres apparaissant vertes. Dans un oeil d'insecte, il n'y a pas de pupilles ou d'iris comme dans le nôtre.

Sur cette photo, on voit assez bien l'appareil buccal complexe de la sauterelle et en particulier les deux paires de palpes (palpes maxillaires et palpes labiaux) qui sont des organes sensoriels du goût (les antennes sont des organes de l'odorat).

Notez aussi les piquants sur les tibias des pattes antérieures : les sauterelles sont omnivores, elles apprécient particulièrement les autres insectes et elles peuvent même mordre l'humain qui les manipulerait sans respect. Le léger renflement en haut des tibias antérieurs correspond aux organes auditifs.

Eh oui ! les insectes ont à peu près les mêmes sens que nous : ouïe, odorat, goût, toucher, vue... mais ceux-ci ont un fonctionnement et des emplacements sur le corps qui n'ont souvent rien à voir avec les nôtres. C'est une des choses qui me fascinent dans l'étude des insectes : la prise de conscience de l'infinie diversité des formes et des fonctions, l'imagination débordante de Mère Nature. Mais aussi l'infinie diversité des représentations du monde qui correspondent. À quoi ressemble le monde perçu avec des antennes en guise de nez, des palpes en guise de papilles gustatives, des oreilles sur les tibias, des yeux composés ? À quoi ressemble la vie pour un être qui naît au printemps et meurt en automne sans jamais connaître l'hiver ?

Voilà, Claire m'a demandé à voir les fleurs des craquerelles de mon Pépé.

J'aime bien ces petites fleurs jaune pâle.

Ce sont des Composées, oups, des Astéracées : les "pétales" sont des fleurs ligulées, une fleur par "pétale". Pas de fleurs tubulées comme en ont les capitules de tournesol.

Vu de dessus, c'est tout fouillis, il y a beaucoup de capitules, il y aura autant de graines que de petites fleurettes, je vais les laisser se ressemer toutes seules, ça me fera sans doute des craquerelles qui, je l'espère, pousseront à une saison plus favorable à la récolte. On aperçoit le feuillage de la craquerelle, devenu bleuté (et, en haut à droite, une feuille de blette).

À suivre... Ces petites fleurs inspireront-elles l'aquarelliste ?